• 22 251 798
  • Avenue du 14 janvier 2011.2016 Carthage Byrsa.
  • Mon-fri: 8am - 7pm

Tunisie :Plaidoyer pour un modèle économique pérenne fondé sur l’investissement industriel et sur une industrie renaissante.Par Mohamed BEN HAMED

Accablée durant ces dix dernières années par un déficit croissant de ses finances publiques, la Tunisie voit aujourd’hui tous ses indicateurs économiques et financiers virer au rouge : endettement extérieur avoisinant les 100 % du PIB national, dégradation de la note souveraine à Caa1 par l’agence Moody’s, déficit démesuré de la balance commerciale, baisse des IDE, corruption qui ravage tous les rouages de l’économie, décrochage de l’industrie et de l’appareil productif, fonte de l’emploi industriel, hausse du taux de chômage, flambée des prix, inflation et baisse du pouvoir d’achat. Indicateurs qui confirment que, si rien n’est fait pour rectifier le tir, le pays risque fort d’être le théâtre d’importants troubles sociaux.Toutefois, quelques lueurs d’espoir se dessinent malgré tout à l’horizon, suite aux décisions présidentielles du 25 juillet 2021, et à une tendance à plus de célérité et de capacité à prendre des décisions et des responsabilités loin de l’influence des différents partis politiques, affichée par la cheffe du gouvernement, Mme Najla Bouden Romdhane. Tendance, faut-il le rappeler, qui était loin d’être celle des dix gouvernements précédents.

Prenons donc acte, aussi bien de cette volonté politique que de cette tendance, et construisons dessus pour agir, nous réinventer et relancer notre économie selon de nouvelles approches et idées et avec des objectifs différents et pertinents. C’est plus qu’un souhait, c’est une obligation, car dans un contexte où l’économie est en détresse, les entreprises essoufflées par le manque de trésorerie et de sources de financement et la population en galère pour survivre, il revient à l’État de faire preuve d’imagination et d’audace et de définir les axes cardinaux d’un développement économique durable. Citons comme exemples l’investissement, la réindustrialisation selon des filières industrielles porteuses de croissance, même si l’État n’a jamais vraiment aimé le secteur industriel privé, la transformation sociale et l’environnement, avec une forte détermination depuis le plus haut niveau des administrations. Il lui revient aussi de se fixer des objectifs sociaux rationnels et réalistes en matière de lutte contre la hausse des prix, l’inflation, les inégalités sociales, le chômage, l’exil des compétences nationales, les effets néfastes de la pandémie Covid-19 et la détérioration du cadre et de la qualité de vie de la population dans son ensemble. Enfin, il revient à l’État d’inciter tous les Tunisiens à agir, partager des valeurs communes, produire et être performants. Faute de quoi, la Tunisie ne peut ni aspirer à un avenir meilleur, ni évoluer dans un environnement international de plus en plus perturbé, incertain et volatile, ni bâtir une économie garantissant indépendance économique et croissance.

Dans cette hypothèse, dix idées et réflexions susceptibles d’enrichir le programme de relance de l’économie tunisienne que la cheffe du gouvernement est entrain d’ébaucher, peuvent s’avérer utiles :

  1. Reconstitution de l’économie selon une vision stratégique globale à court, moyen et long termes, de développement économique et social durable, de politique industrielle dans les secteurs public et privé, de renforcement de la compétitivité des entreprises, de création de nouveaux emplois industriels et de sauvegarde de l’environnement.

  2. Réduction de la dette extérieure par une maîtrise plus efficace des dépenses publiques et une correction en profondeur de la trajectoire d’approche envers l’endettement extérieur et l’utilisation des ressources financières étrangères en privilégiant des investissements ciblés, de développement économique et social, de développement industriel, et de transition écologique et digitale, en méditant sur ce qu’a dit un ancien Secrétaire du Trésor sous la présidence de Clinton1 :«Il ne faut pas avoir peur de l’endettement de l’État. Il faudrait avoir peur de l’endettement de l’État si cet endettement était gaspillé et s’il n’alimentait pas la croissance ». Cette correction de trajectoire permettrait au gouvernement de mieux composer avec une communauté financière internationale -FMI en tête- devenue de plus en plus exigeante et inflexible.

  3. Optimisation de la gestion des différents maux sociaux dont souffre actuellement la Tunisie : pandémie Covid-19, détérioration du pouvoir d’achat, flambée des prix, inflation, montée du taux de chômage, pauvreté, poussée de la violence sociale, déscolarisation des enfants, immigration clandestine, exil des Tunisiens à l’étranger et autre…

  4. Ciblage d’un impératif industriel en organisant des états généraux de l’industrie existante, et plus particulièrement de l’industrie manufacturière, qui est en pleine décroissance, nostalgique du passé au lieu de se projeter dans le futur. La suite évidemment, serait d’élaborer un plan thérapeutique de choc, ayant pour principal objectif de soutenir, en fonds propres ou en facilitant le financement à long terme aux seules entreprises industrielles encore viables.

  5. Incitation au développement à moyen et long termes d’une industrie renaissante, accueillant de nouvelles filières industrielles d’avenir, et porteuses de croissance –telles que les énergies renouvelables, l’agroalimentaire, les industries pharmaceutiques et technologies de santé ou électronique, le numérique, les batteries Lithium-ion pour voitures électriques, l’éco-industrie, l’industrie du vélo, etc fondées sur le savoir, la solidarité, la haute valeur ajoutée, la productivité et la performance.

  6. Attraction de nouveaux investisseurs nationaux et étrangers en améliorant l’environnement des affaires et en assainissant le contrôle bureaucratique et le pouvoir de décision de la fonction publique et des autorités douanières, de l’emprise d’une oligarchie de privilégiés, libérant ainsi l’émergence de nouvelles implantations industrielles et d’une nouvelle génération d’opérateurs et d’entrepreneurs.

  7. Incitation à un développement accru d’un écosystème attractif en termes d’environnement d’affaires, de disponibilité de compétences humaines talentueuses et de main-d’œuvre qualifiée, de R&D, de formation pointue, etc.

  8. Ajustement du système judiciaire tunisien avec tous ses intervenants, afin d’influer positivement sur les investisseurs aussi bien que sur les chefs d’entreprises et sur le monde du travail dans son ensemble.

  9. Mise en place d’avantages administratifs et fiscaux spéciaux et de crédits personnalisés à destination des PME et TPE de services aux entreprises (numérique, bureautique, restauration, entretien de locaux industriels, sécurité, gardiennage et autre…) désirant s’implanter dans les régions défavorisées du territoire.

  10. Imposition d’un ensemble de normes techniques, de standards environnementaux stricts et de taxes spéciales sur tous les produits non essentiels ou futiles importés.

Conclusion :

La Tunisie a urgemment besoin de mesures et d’actions économiques et sociales efficientes, à même de rassurer le FMI et les instances financières internationales, et de redonner confiance à tout un peuple réduit durant une décennie entière à la pauvreté et au désespoir, confiance en son intelligence, en son courage, en sa capacité à relever les défis.

De même, les investisseurs nationaux et étrangers, ont besoin d’un environnement d’affaires sain, attractif et libéré de l’emprise d’une oligarchie de privilégiés, ainsi que d’un secteur industriel renaissant, orienté vers de nouvelles filières émergentes, compétitif et performant.

Enfin, les entreprises industrielles et les entrepreneurs ont besoin de retrouver la force morale, la volonté, des ressources financières et un écosystème serein et stable pour pouvoir innover et gagner en compétitivité afin de faire jeu égal avec la concurrence étrangère.

1.Larry Summers.

Leave A Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *