Crise économique en Tunisie:L’urgence de postures constructives et de décisions perspicaces.Par Mohamed Ben Hamed.
A peine remise de la pandémie Covid-19, l’économie mondiale ne cesse depuis de vaciller face à la surchauffe des chaînes d’approvisionnement ,à la pénurie de matériaux et de matières premières, à l’enracinement de l’inflation, à la hausse des prix internationaux des produits de base,à l’augmentation des coûts de transport et d’assurance , à la hausse des taux d’intérêt et à la détérioration du pouvoir d’achat des populations .Même les économies des pays développés comme les USA, le Canada,le Japon, l’Allemagne, la France ou bien la Grande Bretagne, pourtant très rodées à ce genre d’épreuves,ne sont pas épargnées et dans lesquels plusieurs certitudes économiques sont remises en cause. Du côté des pays du continent africain, le paysage économique est catastrophique de telle sorte que dans nombreux pays comme l’Egypte, le Nigéria, l’Ethiopie,le Kenya, le Sénégal…la crise alimentaire est déjà là et la crainte du spectre de la ’famine ne cesse de grandir du fait de la pénurie insoutenable de produits alimentaires de 1ère nécessité comme le blé, la farine,l’huile et le sucre.
En Tunisie, pays embourbé au fil des dix dernières années dans une double crise institutionnelle et économique et où tous les indicateurs économiques sont au rouge vif (Endettement, contraction du PIB, baisse des IDE, arrêt des chaînes de production,hausse du chômage,hausse de l’inflation,déficit du commerce extérieur,dégradation de la cotation de la Tunisie par les agences internationales de rating.…), il est frappant de constater que ni cette incertitude ni ce paysage inquiétant ne semblent avoir d’effet sur le pouvoir central qui, au lieu d’adopter des postures constructives et des choix stratégiques pour sortir rapidement le pays de cette double tourmente constitutionnelle et économique, mise plutôt jusqu’à maintenant sur l’inaction, sur l’immobilisme,sur le rafistolage et sur les pratiques bureaucratiques.Bien sûr,nous dira-t-on, il y a eu malgré tout depuis le sursaut du 25 Juillet 2021 quelques lueurs d’espoir comme par exemple la dissolution du parlement et la consultation directe des citoyens ou bien encore la reprise des activités d’exportation du phosphate et dérivés, la hausse de production industrielle et une relance des activités touristiques. Néanmoins, la crise institutionnelle est à ce jour loin d’être réglée et la machine économique nationale demeure fragile, a du mal à se relancer véritablement et nécessite impérativement d’être remise sur la voie de l’adaptation au contexte mondial actuel et de l’ouverture au secteur privé, à l’investissement, à l’innovation et aux nouvelles technologies dans l’optique d’une transformation durable et inclusive.C’est pourquoi, il serait judicieux pour l’État de se remettre d’urgence en question ,de se réinventer, de changer de cap, d’adopter des postures constructives nouvelles aussi bien envers les citoyens qu’envers les opérateurs économiques et de prendre des décisions perspicaces susceptibles de produire rapidement des effets significatifs et des résultats tangibles.
Parmi les postures constructives et les décisions perspicaces que nous recommandons à l’État d’adopter en urgence, il y a notamment les suivantes :
- Parler le langage de vérité aux citoyens et leur fait part en toute transparence des fragilités et des obstacles auxquels la Tunisie fait face afin de rétablir leur confiance en l’État, en ses représentants et en ses institutions.
- Affirmer sans ambiguïté ni ombrage une volonté ferme et irréversible pour réduire les fragilités de l’économie tunisienne,réduire ses dépendances, stimuler l’investissement,renforcer la souveraineté économique,industrielle,technologique, agricole,sanitaire et environnementale du pays, créer de l’emploi et sauvegarder en dépit de l’inflation le pouvoir d’achat des tunisiens.
- Faire appel aux compétences et à l’expérience d’économistes, d’experts et d’universitaires nationaux, hommes et femmes de réflexion et d’action qui savent joindre l’une à l’autre, pour trouver des solutions pertinentes à la relance de l’économie et de l’investissement sachant qu’il n’est pas acceptable que la stratégie de développement de la «Tunisie indépendante et souveraine» soit définie et manipulée au fil des dix années écoulées par des organismes et experts étrangers comme ce fut le cas du code d’investissement qui a été délibérément vidé de ses substances afin de satisfaire « l’intérêt de certains pays et partenaires étrangers et de leurs mercenaires ».
- Considérer le secteur privé,les industriels du terrain et les opérateurs économiques comme étant des partenaires à part entière et des acteurs indispensables du processus de transformation économique dont la Tunisie a cruellement besoin en ces temps difficiles.
- Repenser le modèle économique actuel en tenant compte du contexte économique international,en opérant des changements courageux et en se fixant des priorités clairement définies telles que la réduction du chômage, la réhabilitation des infrastructures sanitaires,la réforme du système éducatif, la réduction des impôts et taxes sur les entreprises,la réindustrialisation du pays,la protection de l’environnement,etc.
- Garder en mémoire que sans l’existence d’un plan de développement économique quinquennal,il n’y a ni vision, ni stratégie et ni un miroir pour refléter les réformes à entreprendre et qu’il serait judicieux de combler l’absence d’un plan de développement quinquennal 2021-2025 par la production dès maintenant d’un plan de développement quinquennal 2023-2028.
- Booster l’investissement national et étranger afin que , comme le souligne le FMI,« libérer le potentiel de croissance du pays et la création d’emplois » en améliorant le climat d’affaires et en débarrassant ce dernier des problématiques structurelles nuisibles telles le blocage des autorisations d’investissement par l’administration ou bien les systèmes de rente qui empêchent la concurrence.
- Assurer la faisabilité des décisions prises, leur planification et leur gestion,garantir la meilleure gouvernance du processus de transformation économique et coordonner les actions de différentes administrations et institutions afin de donner aux citoyens et aux opérateurs économiques le sentiment que l’État dispose véritablement d’une vision et d’une stratégie claires pour transformer l’économie nationale de façon durable.
- Voire en les jeunes compétences non un fardeau mais au contraire comme étant des forces nouvelles et un grand potentiel d’innovation , de créativité et d’initiative et d’adopter en leur faveur des mesures d’incitation spécifiques aussi bien administratives, financières que logistiques.